
Les traitements esthétiques sont des actes médicaux.
La médecine esthétique, qui inclut des interventions comme les injections de Botox®, d'acide hyaluronique et de PRP (Plasma Riche en Plaquettes), connaît une expansion rapide en Belgique. Toutefois, cette croissance s'accompagne d'une inquiétude grandissante : l'absence d'une régulation stricte et d'un contrôle suffisant sur les qualifications des praticiens. Alors que ces traitements impliquent des actes médicaux nécessitant des compétences spécifiques, ils sont de plus en plus pratiqués par des non-médecins ou par des professionnels insuffisamment formés. La Royal Belgian Society for Plastic Surgery (RBSPS) tire la sonnette d’alarme et appelle à une action immédiate pour protéger les patients contre ces dérives.
Un cadre légal insuffisant face à une expansion incontrôlée.
La loi du 23 mai 2013 établit les qualifications requises pour la médecine esthétique et encadre ces pratiques dans le but d’assurer la sécurité des patients. De son côté, la loi qualité du 22 avril 2019 vise à garantir des soins de santé sûrs et de haute qualité pour tous les patients en Belgique. Pourtant, malgré l’existence de ces lois, leur application demeure insuffisante. Le manque de contrôles rigoureux permet le développement de pratiques illégales et expose les patients à des risques accrus. L’absence de certification spécifique pour les médecins pratiquant la médecine esthétique crée une zone grise, où des professionnels non qualifiés peuvent réaliser des injections sans véritable encadrement. Cette situation engendre une hausse inquiétante des complications, allant de résultats insatisfaisants à des effets secondaires graves, parfois irréversibles.
L'exercice illégal de la médecine : un danger réel.
L’un des problèmes les plus alarmants est l’augmentation du nombre de praticiens non qualifiés exerçant dans le domaine de la médecine esthétique. Des esthéticiennes, coiffeurs, infirmiers ou autres personnes sans formation médicale adéquate effectuent des injections de toxines botuliques, des comblements avec de l’acide hyaluronique ou encore des traitements au PRP. Or, ces actes impliquent des risques de complications importantes, notamment des infections, des réactions inflammatoires sévères et, dans certains cas, des nécroses des tissus. Ces interventions doivent impérativement être réalisées par des médecins ayant suivi une formation spécialisée.
Un autre problème concerne les médecins généralistes et spécialistes d’autres domaines, qui pratiquent ces actes esthétiques sans formation approfondie, souvent en complément de leur activité principale. S’ils sont en droit de réaliser ces procédures, la question de leur compétence et de leur capacité à gérer les complications se pose. Une formation de quelques jours organisée par un fabricant d’injectables ne saurait remplacer une spécialisation en chirurgie plastique ou en dermatologie, qui nécessite plusieurs années d’apprentissage.
Le fléau des practiciens étrangers sans licence.
Un phénomène inquiétant concerne l’arrivée en Belgique de praticiens étrangers, parfois non médecins, qui effectuent des injections dans des salons de beauté ou des hôtels, sans véritable traçabilité ni suivi médical. Ces pratiques sont souvent promues via les réseaux sociaux, avec des promotions attractives et des rendez-vous pris en ligne. Ces praticiens ne restent généralement que quelques heures en Belgique et disparaissent aussitôt après avoir injecté des dizaines de patients, sans qu’aucun contrôle médical ne soit assuré. En cas de complication, les patients se retrouvent livrés à eux-mêmes, obligés de consulter en urgence un dermatologue ou un chirurgien plasticien pour des soins correctifs souvent coûteux. Cette situation est d’autant plus préoccupante que des décès ont déjà été recensés en raison de telles pratiques illégales.
L'influence des réseaux sociaux : un idéal de beauté dangereux.
Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans l’explosion de la demande en médecine esthétique. De nombreuses jeunes femmes cherchent à ressembler aux images filtrées et retouchées qu’elles voient sur Instagram ou TikTok. Cette obsession de la perfection numérique pousse certaines à multiplier les interventions, souvent auprès de praticiens douteux proposant des services à moindre coût. Malheureusement, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et de nombreuses patientes finissent par regretter des modifications excessives ou mal réalisées. Ce phénomène est particulièrement préoccupant, car il risque d’augmenter la demande en chirurgie réparatrice dans les années à venir.
Produits illégaux et absence de traçabilité.
Un autre danger concerne la prolifération de produits injectables non conformes, vendus librement sur Internet ou achetés à l’étranger. Certaines entreprises peu scrupuleuses vendent ces produits directement à des esthéticiennes ou à des particuliers, sans garantie de leur conformité aux normes européennes (CE) ou américaines (FDA). Il n’est pas rare que des patients s’injectent eux-mêmes ces produits, guidés par des tutoriels trouvés sur YouTube ou des forums en ligne. Cette absence totale de contrôle représente un risque majeur pour la santé publique.
Que faire pour se protéger ?
Face à cette situation préoccupante, la RBSPS recommande plusieurs précautions aux patients souhaitant recourir à un traitement esthétique. Il est essentiel de vérifier les qualifications du praticien en consultant son numéro INAMI et en s’assurant qu’il appartient à une spécialité reconnue en médecine esthétique (210). Il est également recommandé d’éviter les offres trop alléchantes, les promotions agressives sur les réseaux sociaux et les consultations dans des lieux non médicaux comme les instituts de beauté. Une intervention réalisée par un praticien qualifié, dans un cadre médical strict, reste le seul gage de sécurité et de qualité.
Un appel à l'action pour une réglementation renforcée.
La RBSPS appelle les autorités belges à renforcer l’encadrement de la médecine esthétique et à appliquer strictement la loi du 23 mai 2013 et la loi qualité du 22 avril 2019. Elle demande la mise en place de quatre mesures essentielles :
- L’application stricte de la loi sur la qualité des soins :
Les chirurgiens plasticiens membres de l'association professionnelle et scientifique RBSPS appellent à une meilleure application de la législation. Des règles claires doivent également être établies pour les médecins d'autres spécialités afin de définir quels médecins peuvent effectuer quelles injections et dans quelles zones anatomiques. - La reconnaissance et la certification du titre de médecin esthétique :
une formation officielle doit être instaurée pour garantir que ces actes soient réalisés par des professionnels compétents. - Un encadrement strict des pratiques sur les réseaux sociaux :
il est urgent de réguler la promotion des actes médicaux esthétiques en ligne et de lutter contre les influenceurs et praticiens non qualifiés qui y font leur publicité. - Un contrôle rigoureux de la vente des produits injectables :
ces produits doivent être réservés exclusivement aux médecins et vendus uniquement par des canaux sécurisés.
L'urgence d'agir.
Le manque de réglementation efficace met en danger des milliers de patients chaque année. Il est impératif que les autorités belges prennent des mesures concrètes pour encadrer ces pratiques et garantir des soins de qualité. La médecine esthétique doit rester un domaine médical encadré par des professionnels compétents, afin de protéger la santé et le bien-être des patients. L’action est urgente et la sécurité des patients doit être la priorité absolue.